1704 :
Son nom de « Clipperton », lui vient du flibustier anglais John Clipperton, naviguant à bord du Cinq Ports Galley, qui, pour certains croisa au large de cette île et qui pour d’autres, y débarqua après avoir fait sécession et quitté l’expédition du flibustier naturaliste anglais William Dampier, mais aucun document écrit attestant de ce passage n’a été trouvé à ce jour.
1705 :
Au mois d’août, le Commandant de la Marine à Port Louis, envoie au Secrétaire d’Etat à la Marine pour le service des cartes et plans du Roi, un lot de cartes de cette région dessinées par les Espagnols. Il n’y a aucune mention de cette île Clipperton.
Nous sommes alors en pleine guerre de sécession au Mexique (1702-1713). Le gouvernement de Madrid a demandé le renfort de navires de combat français dans cette zone du Pacifique pour se défendre contre les corsaires ennemis.
1711 :
Le 8 mars 1711, deux frégates françaises, qui appartiennent à l’Armateur dunkerquois Piécourt, quittent le port péruvien de Huacho en route pour la Chine afin d’y commercer.
Il s’agit de la « La Princesse », armée de 42 canons, commandée par Mathieu Martin de Chassiron, chef de l’expédition, et de la « La Découverte » armée de 28 canons, commandée par le havrais Michel Dubocage. (à son retour de Chine il prendra le titre de « Dubocage de Bléville », mais c’est son fils qui sera anobli par Louis XV).
Le 3 avril Michel Dubocage découvre une île qui ne figure sur aucune carte, à bord de la Découverte se trouvent des cartes marines hollandaises, portugaises, françaises, anglaises, chinoises et « espagnoles », et comme c’est le Vendredi Saint, il la baptise « île de La Passion ». Une première ébauche de carte de l’île est réalisée :
Route suivie par Michel Dubocage et Martin de Chassiron dans leur voyage pour la Chine (réalisation C. Jost – CEGUM 2011)
Extrait du Journal de bord de Michel Dubocage
Du Vendredy 3e Avril 1711.
Découverte d’une île que nous avons nommée Ile de La Passion.
Depuis hier midy aujourd’huy midy la routte estimée m’a vallu le ouest 1/4 nord-ouest 24 lieues. Ayant pris hauteur je me suis par la latitude nord fr 10 degrés 28 et par la longitude de 263 degrés 50. Et suivant la correction la route m’a valu le ouest 2 degrés sud, chemin… ce qui nous donne à connoitre que les courants portent au sud. Sur les deux heures d’après midy j’ay moi-même découvert un gros rocher sous la ralingue de la grande voile qui nous restoit au ouest 1/4 sud-ouest viron 5 lieues. J’ay fait faire le signal de terre à Monsieur Martin qui nous a répondu un moment après. C’étoit un gros rocher escarpé et dentelé. Nous avons fait route dessus. Sur le 4 h après midy nous avons découvert que ce rocher était sur la pointe du sud d’une Isle fort plate qui pouvait avoir dans sa plus grande longueur viron 3 lieues autant comme je l’ay juger, sud-est et nord-ouest et viron une lieue et demi à 2 lieues de large. Sur les 5 h du soir nous n’en étions pas à plus d’une demie lieue au nord-est de l’Isle. De nostre costé l’Isle étoit de sable avec quelques broussailles et un arbre sec sur la pointe du nord-est. Cedit costé de l’est n’étoit que langue de terre fort étroite. Le milieu de l’Isle étoit un grand lac qui se conduisoit d’un bout à l’autre de l’Isle. Le côsté du ouest nous a paru avec quelque petites brousailles et de terre et quelques petites roches mais fort bas cependant un peu plus haut que le costé de l’est. Je trouve que cette Isle dans son milieu, est par latitude nord de 10 degrés 25 et par la longitude du méridien de pitregoos et de van Keulen de 263 degrés 35. Nous avons pesché le long de cette Isle six gros marsouins. Nous avons parlé a Mr Martin qui nous a attendu apres etre doublez la pointe du nord de L’Isle. Ils ont aussy peché plusieurs marsouins. Nous avons sondé a 1/2 lieue de L’Isle sans avoir peu y trouver de fond.
Michel Dubocage
Carte dressée par Michel Dubocage suite aux observations depuis le haut de sa mâture.
C’est la première carte de l’île de la Passion.
Statuette chinoise de Michel Dubocage (avec l’aimable autorisation du Musée Dubocage, Le Havre)
Michel-Joseph Dubocage père est un marin français, né au Havre, quartier Notre-Dame, le 28 janvier 1676, et mort en 1727.
Il est le fils de Marie Dufresnil et de Nicolas Dubocage, capitaine de navire. Il s’engage dans la Marine pendant les guerres de la Ligue d’Augsbourg. Son ardeur au combat et ses blessures lui valent le grade de lieutenant de frégate légère à l’âge de 16 ans et une épée d’honneur de la part de Louis XIV. Il sert comme corsaire dans l’escadre de Jean Bart.
Il obtient le commandement de la frégate royale La Dauphine, qu’il utilise comme navire corsaire. Il perd ce navire armé de 30 canons le 11 décembre 1704, sur le rocher la Natière, à l’entrée du port de Saint-Malo en ramenant une prise anglaise. L’équipage a pu se sauver sur la prise et Michel Dubocage sera blanchi de ce naufrage.
Entre le 28 août 1707 et le 23 août 1716, il participe à une expédition commerciale de 9 ans dans le Pacifique à bord de la Découverte aller et retour par le Cap-Horn. Il découvre le 3 avril 1711 l’île de la Passion actuellement connue sous le nom de l’île Clipperton. Il négocie en Chine à Amoy (Xiamen) probablement le premier traité commercial maritime franco-chinois consigné par écrit dans un journal de navigation (AN – Marine 4 jj 47).
À son retour au Havre, fortune faite, il monte une maison de négoce à laquelle il associera son fils prénommé Michel Joseph comme lui. Il achète un hôtel particulier au coeur du quartier Saint-François, qu’il agrandit et acquiert par ailleurs dans les environs du Havre : la Seigneurie de Bléville dont il portera le nom, la Vavassorie de Gainneville, une ferme à Soquence et des terres à Octeville. Pendant les disettes de 1720 – 1725, en liaison avec Samuel Bernard, le banquier des Rois, il fera venir au Havre, à son compte et parfois à perte, de nombreux navires chargés de blé. Il est enterré dans l’église de Bléville ainsi que son fils, tous deux souvent confondus par les chroniqueurs.
Michel-Joseph Dubocage fils. Né le 5 mai 1707, Michel-Joseph Dubocage de Bléville exerce pendant près de 30 ans le commerce maritime et devient l’un des premiers négociants du Havre. Entre juillet 1749 et juin 1750, il reçoit et expédie plus de 300 navires tant français qu’étrangers dont il est le consignataire. Il prend une part importante dans l’importation des blés étrangers en 1734, 1740-1750. En plus d’être directeur de la Compagnie de l’Ile Saint-Jean dans le Golfe du Saint-Laurent il est, selon l’Académie des Sciences Arts et Belles Lettres de Rouen à la tête de deux respectables maisons de Rouen et d’une entreprise assez considérable pour l’île de la Martinique.
Maire-échevin du Havre pendant 8 ans : 1738-1743, il fait exécuter le pavage des rues et l’alimentation de la ville par les eaux de Trigauville. Passionné d’histoire naturelle, membre de l’Académie de Rouen, il est l’auteur d’un mémoire sur le port, la navigation et le commerce du Havre. Il meurt en 1756 à l’âge de 49 ans. Il avait été anobli par lettres Patentes de Louis XV en 1753.
Page réalisée par Alain Duchauchoy